Et pourtant nous ne sommes pas inquiets.
La température brusquement s’est refroidie ; on se hâte en marchant, les plantes font le gros dos sous la gelée blanche, la couche de gel descend chaque jour dans le sol. Et pourtant nous ne sommes pas inquiets. Nous disons : « C’est du temps de saison ; le printemps viendra à son heure ».
De fait il ne manquera pas au rendez-vous, car depuis que la terre porte la vie, le cycle des saisons a « répondu » à l’ordre du Créateur (Os 2, 22). Et quand sera revenu le temps des bourgeons, des fleurs et des feuilles, nous dirons, avec la même assurance, avec la même confiance dans l’avenir : « les fruits vont venir avec l’été et l’automne.
De même nous avons assisté, et nous assistons encore, après les guerres froides, à des poussées de sève dans l’histoire du monde. Nous avons dit en son temps : « cela bourgeonne en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Russie ». Encore aujourd’hui des peuples longtemps condamnés au silence relèvent la tête, sentant leur délivrance toute proche ; et l’Église, qui a mission d’amener tous les peuples à la lumière du Christ, vit intensément, avec ses enfants de toutes langues et de tous pays, ces fièvres et ces soubresauts d’un monde en quête de paix et de bonheur. Mais elle a reçu de son Seigneur la consigne de ne pas céder à l’inquiétude et d’attendre sereinement l’été après tous les bourgeonnements de l’histoire.
Car le monde n’est pas en marche vers l’échec, vers les ténèbres, vers un hiver inexorable. Nous allons vers l’été de Dieu, l’été de la dernière moisson, où Dieu engrangera la charité des hommes de tous les temps. Et à cet été Jésus donne deux autres noms : la délivrance et le Règne de Dieu.
Il y aura, à la fin des temps, une ultime délivrance et l’instauration du règne de Dieu dans les cœurs, et de cet événement définitif nous ne savons ni l’heure, ni le jour, ni le siècle ni le millénaire. Simplement, quand la sagesse de Dieu préparera ce Jour, son Esprit Saint nous en dévoilera les signes précurseurs.
Mais il y a, tout au long du temps, dans la vie des peuples, des communautés, des familles et de chaque croyant, des bourgeonnements passagers qui annoncent des étés transitoires, des reprises de croissance qui amènent de vrais moments de maturité, des conversions du cœur qui inaugurent des étapes de délivrance.
Et même si le Règne de Dieu, dans son stade final, demeure caché pour nous dans un avenir impénétrable, ce même Règne de Dieu, cette seigneurie d’amour, travaille déjà l’histoire qui se fait sous nos yeux. Déjà elle suscite des renouveaux et mûrit des récoltes ; déjà elle transforme les familles et remodèle les communautés ; et en nous-mêmes, dès que nous laissons travailler la sève de l’Évangile, le Règne de Dieu se fait tout proche, tangible, attirant.
« Voici, disait Jésus, que le Règne de Dieu est au milieu de vous ».
Dans les cœurs des chrétiens comme dans l’Église, le printemps de la grâce est toujours à l’œuvre, et il y a toujours un été qui se prépare.
Formidable optimisme dans le cœur de Jésus.
Très douce espérance pour nos cœurs d’hommes.
Méditer avec les Carmes – Frère Jean o.c.d.