Juillet 1858 - Visites de personnalités à Lourdes
Durant l'été, saison à laquelle les stations thermales des Pyrénées sont fréquentées par une clientèle aisée, Lourdes reçoit la visite de nombreuses personnalités qui font un petit détour pour voir la grotte et Bernadette. Le 17 juillet, Charles-Thomas Thibault, évêque de Montpellier, décide de s'arrêter à Lourdes en revenant de Cauterets. Ce prélat parle occitan et n'a ainsi aucune difficulté à communiquer avec Bernadette. Elle l'appelle « Monsieur le curé », c'est la première fois qu'elle rencontre un évêque. Au terme d'un entretien au cours duquel l'évêque s'est pris de sympathie pour Bernadette, il veut lui offrir quelque chose et lui donne son chapelet, un chapelet précieux à monture d'or. Bernadette le refuse tout en trouvant les mots pour ne pas l'offenser. Deux heures à peine après être arrivé à Lourdes, Charles-Thomas Thibault décide de se rendre à Tarbes pour y rencontrer l'évêque Bertrand-Sévère Laurence et lui parler de Bernadette.
Le 20 juillet c'est au tour de Paul-Armand Cardon de Garsignies, l'évêque de Soissons de venir à Lourdes. Comme l'évêque de Montpellier, il décide, à la suite de sa rencontre avec Bernadette, de se rendre immédiatement à Tarbes pour pousser l'évêque de Tarbes, Bertrand-Sévère Laurence, à « faire quelque chose ». Les deux évêques vont ensuite ensemble consulter l'archevêque d'Auch, Antoine de Salinis, qui était alors en repos à Bagnères-de-Bigorre. Sur place ils sont rejoints par la plume la plus influente de la presse catholique française : Louis Veuillot, rédacteur du quotidien ultramontain L'Univers, qui vient de passer à Lourdes pour y prendre des contacts et des renseignements. Le 22 juillet, les trois évêques et le journaliste quittent ensemble Bagnères pour aller tenir conseil à Tarbes.
Le 28 juillet fut une journée décisive. Alors que l'évêque de Tarbes signait une « Ordonnance constitutive d'une commission d'enquête sur les apparitions », Louis Veuillot retourne à Lourdes, déjà très informé des tenants et aboutissants de l'affaire. Cette fois il veut rencontrer Bernadette. Veuillot, journaliste et écrivain très célèbre à l'époque, est suivi par de nombreux admirateurs. Il organise une réunion publique au cours de laquelle il interroge Bernadette, l'abbé Pomian faisant l'interprète. Au terme de l'entretien, lorsque Bernadette a pris congé, Veuillot déclare : « C'est une ignorante. Mais elle vaut mieux que moi. Je suis un misérable. ». Veuillot publie dans L'Univers, en première page et sur cinq colonnes, une relation détaillée des apparitions de Lourdes, assurant ainsi une notoriété internationale à ces évènements. Des journaux du monde entier publient des articles sur les événements de Lourdes.
Le 28 juillet, Louis Veuillot s'est aussi rendu à la grotte. Devant la barrière il s'exclame : « On veut donc empêcher les gens de prier le Bon Dieu, ici ! ». Il n'est pas la seule personnalité à venir y prier ce jour-là. Parmi celles présentes à Lourdes, se trouve une dame de la cour, la veuve de l'Amiral Bruat, Caroline Félicité Peytavin d'Aulx, alors gouvernante du fils unique du couple impérial. Il est difficile pour un fonctionnaire de police locale de dresser un procès-verbal à de telles personnalités. Ainsi Pierre Callet le garde-champêtre se contente de relever les noms. Après avoir écrit sur son carnet : « La Mirale Bruat, Gouverneuze des enfants de France », il l'accompagne aimablement à la grotte, puis il va raconter ses aventures au maire. Le maire consulte alors le préfet pour lui demander ce qu'il faut faire en pareil cas. Le préfet répond qu'il ne faut surtout pas engager de poursuites. Le maire lui fait alors savoir qu'il a bien compris que les ordres étaient de ne pas appliquer la loi avec la même rigueur pour tous.
Depuis les acquittements du 15 juillet, les procès-verbaux ne donnent plus lieu à aucune poursuite, mais, dans la mesure du possible, ils continuent à être établis pour leur rôle dissuasif.