Nuit de garde

Publié le par hospitalité de Touraine

Nuit de garde
 
Quand la journée de soins et d’accompagnements des malades et personnes âgées arrive à son terme, les hospitaliers voient arriver le crépuscule avec contentement ou simplement heureux d’un jour offert déjà passé. Chacun s’éloigne alors vers son foyer, son hôtel, un lieu de repos avant le lendemain.
Demeurent, cependant, à l’Accueil Notre Dame, les hospitaliers qui se sont proposés pour une nuit de garde auprès de tous ceux qui s’y reposent. Cette équipe composée de deux personnels infirmier et de deux autres hospitaliers sans qualification médicale, est accompagnée du ou des médecins de l’Hospitalité de Touraine.
 
Cette veillée commence au fil du départ des hospitaliers encore présents à l’Accueil Notre Dame, qui partent en souhaitant au quatre volontaires, une nuit tranquille et sans encombre. Le calme s’installe peu à peu pour laisser place au silence réparateur. L‘équipe de veilleurs prend ses marques pour s’assurer une présence la plus efficiente possible. Ils placent stratégiquement une table entre les paliers A et B pour entendre les appels de toutes les chambres. La nuit de garde peut inspirer l’écriture, les partages de vie, la prière collective ou intérieure.
 
Tous ces moments sont, pour moi, des havres de paix, de sérénité et des temps de bonheur, cependant, la perspective de passer une nuit complète tenu en éveil, me fait toujours craindre de ne pas être à la hauteur de la mission qui m’est confiée. Finalement, je sais, pour l’avoir déjà vécu, que la nuit de garde passe toujours vite, animée par les appels successifs qui nous font bondir de nos fauteuils pour intervenir au plus vite.
Une fois l’origine de la sonnerie localisée, apparaît, le plus souvent, le besoin de sentir une présence, d’entendre une voix, de connaître l’heure ou d’être rassuré quant à la prise du médicament salvateur.
Je ressens alors l’amour du père pour son enfant qui l’appelle au milieu de la nuit ; je suis là, avec ma force, ma santé et ma capacité d’agir pour les plus faibles, bien que dans leur quotidien, nos frères sachent faire preuve d’une grande sagesse et d‘une certaine philosophie face à la souffrance physique et morale.
Quant à Marie, elle nous accompagne et nous protège à chaque instant, chaque contact, chaque parole et chaque attention. Elle nous insuffle son Amour pour que nous, ses enfants, soyons intensément liés pendant les pèlerinages et également, lors de ces nuits de garde.
 
Les visites des chambres endormies, font également partie de la veillée ; j’y apprécie les respirations discrètes et les ronflements gentiment sonores, signes du repos de chacun.
Parfois un timide appel révèle l’insomnie ponctuelle ou habituelle d’un de nos protégés. M’apparaît alors le mystère de ceux qui « vivent » le sommeil des autres, de ceux qui ne sont jamais certains de s’être assoupis ou qui sont souvent persuadés d’être restés éveillés. En moi, ne sont alors qu’impuissance et compassion.
 
Les heures s’égrainent ainsi jusqu’à l’aube, révélatrice d’une fatigue fiévreuse ; je me sens soudain anéanti, les paupières sont pesantes et la perspective de résister jusqu’à la prière sur la terrasse me parait insurmontable.
J’appelle Notre Dame de Lourdes par un « je Vous salue Marie », je m’efforce encore de répondre aux appels des malades et soudain, les premiers hospitaliers arrivent comme des sauveurs et des ressources nouvelles pour prendre le relais de ce jour nouveau.
Sur la terrasse de l’Accueil Notre Dame, la fraîcheur du mois de mai se fait sentir mais le ciel rougeoyant en arrière plan de l’enceinte sacrée est annonciateur des premiers doux rayons de soleil et de quelques heures de repos.
Dans cette lumière naissante, face à la grotte de Massabielle riche de ces cierges protecteurs, l’Hospitalité de Touraine se rassemble comme chaque matin, pour écouter la prière de ses quatre veilleurs frissonnants :
  • Notre Dame de Lourdes, priez pour nous,
  • Sainte Bernadette, priez pour nous,
  • Saint Martin, priez pour nous.

Thierry Maurel
Un Hospitalier