Conférence : Le chemin par Jean-Marie Onfray

Publié le par hospitalité de Touraine

LE CHEMIN

 

 

 

Le chemin de Bernadette : Tel est le thème qui a été donné cette année aux pèlerinages venant à Lourdes après que l’an dernier à l’occasion du Jubilé, nous ayons vécu le chemin du jubilé en (re)découvrant les lieux que Bernadette avait connus à Lourdes depuis sa naissance jusqu’aux apparitions de 1858. Le chemin de Bernadette, c’est celui qui l’a conduit à réfléchir sa vocation et à partir pour Nevers : son chemin de vie qui a conduit à sa béatification.

Je voudrais  donc vous inviter à réfléchir à cette réalité du chemin de nos vies. Même si notre vie nous paraît bousculée, comme une suite d’évènements sans cohérences, nous pouvons réfléchir à ce chemin.

 

 

1-      Le chemin que nous prenons

 

Se mettre en route est toujours le fruit d’une décision. Pour une part, nous sommes responsables de notre chemin. Parler de chemin, c’est reconnaître qu’il nous a fallu quitter une situation (acquise) pour une autre. Ce verbe quitter est essentiel. Dans la Bible nous le voyons apparaître dès le livre de la Genèse : « L’homme quittera son père et sa mère… » Et puis Abraham entend le Seigneur lui dire « Quitte ce pays ! »

Toute vie humaine est une succession de ruptures. Quitter n’est pas toujours facile. Et parfois, il nous arrive de préférer la quiétude de la situation acquise. Quitter c’est toujours laisser ce que nous connaissons pour entrer dans l’inconnu d’une situation nouvelle. Quitter, c’est faire confiance et donc vivre !

Nous devons être sensibles à la situation des jeunes qui s’interrogent sur le chemin qu’ils doivent prendre. Comment être sûr de notre choix, de notre décision ? Nous n’avons pas à leur imposer des choix (je ne quitte pas à la place de l’autre) mais nous pouvons les porter dans notre prière ; car il n’est jamais facile de choisir un chemin de vie (quelle profession ? Quelle vie affective ? Quel service dans la société ?

Pour les plus anciens, le temps est venu de regarder le chemin parcouru. Je crois indispensable l’enjeu de relire son existence. Souvenons-nous que relire et relier sont très proches ! Pouvoir relire les étapes de notre vie, pouvoir y reconnaître un chemin avec ses joies et ses difficultés. Souvent, je propose aux malades de prendre ce temps de relire (mais pour cela, il faut être écouté !) leur vie. Quels choix ai-je faits et pourquoi. Comment ai-je vécu les grandes étapes de mon existence ? Comment ai-je pris la décision de « quitter » et pourquoi ? Parfois, notre chemin est balisé (des repères précis), parfois nous devons « inventer » des chemins en prenant notre responsabilité et en acceptant d’en vivre les risques.

Et parfois, nous ne choisissons pas notre chemin…

 

 

 

2-      Le chemin que la vie nous fait prendre

 

Nous pensions être maîtres de nos décisions et les évènements en ont décidé autrement.  Toute vie humaine, tout chemin humain est marqué par des impondérables auxquels nous devons consentir. Nous les subissons, mais nous pouvons y consentir. Le peuple Hébreux n’a pas choisi l’exode (et d’ailleurs les hébreux ont regretté les oignons d’Egypte). Il n’a pas choisi, non plus, l’Exil à Babylone. Et pourtant ces deux évènements douloureux sont fondateurs de sa foi. Ces deux évènements vont devenir références dans un travail continuel de relecture.

Il nous faut consentir à faire route avec d’autres…que nous n’avons pas choisis. Je veux dire par là que notre chemin de vie est fait de rencontres. Nous pouvons nous replier sur nous-mêmes et refuser l’aventure de ces rencontres.

Dans nos familles, comme dans nos lieux de travail, d’engagement et même de loisirs…il nous faut accepter la différence des autres. Dans la relecture, nous découvrirons même que ces « autres » nous ont fait grandir.

 

Et puis, il nous faut consentir aux aléas de la vie. Les évènements du monde et de la nature qui peuvent nous toucher cruellement. Ceux qui ont eu à vivre des tragédies le savent bien. Elles nous façonnent et nous ne sommes plus les mêmes.

Mais il y a aussi les aléas de notre santé : nous ne choisissons pas d’être malade, handicapé, ou dépendant. Chacun de nous le sait bien : nous pouvons subir ces réalités ou les vivre en sauvegardant notre liberté.

Je voudrais à ce propos faire la différence entre la douleur physique qui doit être combattue et la souffrance (qui parfois n’est pas liée à une douleur physique) et qui doit pouvoir s’exprimer, se dire et pour cela être entendue. Pour que je puisse exprimer ma souffrance, il est essentiel que d’autres m’écoutent. C’est notre qualité d’écoute qui permet à la souffrance de l’autre de s’exprimer…et d’être humainement vécue.

Je me souviens d’une petite phrase qui a fait son chemin dans ma tête : « Il n’est pas exigible que l’autre soit parfait pour pouvoir être aimable : il suffit qu’il existe ! »

 

3-      Le chemin de Dieu dans nos vies

 

« Tu as voulu prendre notre chemin, tu es venu nous prendre par la main »

Ce chant, comme beaucoup d’autres, nous invite à reconnaître le chemin que nous faisons avec Dieu, que Dieu fait avec nous…même quand nous ressentons une grande solitude. Vous vous souvenez de ce poème brésilien qui parle des deux traces de pas sur le sable. Il n’y en avait qu’une au moment des grandes difficultés…mais c’était alors que Dieu nous portait !

            « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer » Voilà bien notre certitude de foi…que nous avons parfois du mal à vivre simplement. Ecoutons ces quelques versets : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien,

                                Il me conduit par le juste chemin, pour l’honneur de son nom,

                                si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal,

                                Car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure »

 

 

 

 

Toute l’expérience biblique nous montre que seule la relecture de vie permet de voir la présence de Dieu à nos vies : « Tu étais là et je ne le savais pas » dit St Augustin. Les manifestations de Dieu ne sont pas toujours évidentes…et dans la prière nous retrouvons sa présence et la confiance.

            Mais nous avons aussi à nous souvenir que le Seigneur n’est pas là où nous l’avons mis. Ce fut l’expérience de Marie-Madeleine au matin de Pâques : « Le Seigneur n’est pas là où on l’a mis ». Nous avons facilement tendance à mettre le Seigneur dans une place de notre vie (pour qu’il ne nous dérange pas trop !). Mais comme dit l’ange : « Il vous précède sur les routes de Galilée ». Dieu nous précède et nous invite à reconnaître sa présence dans le cœur de ceux que nous rencontrons chaque jour.

            Le prophète Isaïe, déjà, faisait dire à Dieu (chapitre 55) « C’est que mes chemins ne sont pas vos chemins et vos pensées ne sont pas mes pensées ». Etre chrétien, c’est accepté de se laisser sans cesse bousculer par Dieu, sur nos routes humaines. Dieu n’est pas à notre service !

            Ainsi toute notre vie est un chemin d’Emmaüs. C’est Dieu qui a l’initiative de la rencontre. Il chemine avec nous et se rend présent à travers ceux qui partagent notre chemin (« j’étais malade et vous m’avez visité »). Mais encore faut-il le reconnaître, et c’est un acte de foi. Encore faut-il avoir soif de la partager en Eglise avec d’autres pour pouvoir dire nous aussi : « Notre cœur ne brûlait-il pas tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? »

 

 

                                                                                  Père Jean-Marie Onfray

                                                                                         Lourdes 2009

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